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In Memorium: Grine Belgacem

Vie et mort de Grine Belkacem
Il n'est toujours jamais trop tard de se rappeller nos glorieux martyres!
Kimeth di lehna ay argazen dh thisdnan!




Ce fut le premier accrochage de l'histoire de la rébellion algérienne. Il eut lieu le 29 novembre 1954 près d'Arris, dans l'Aurès. Ce jour-là, les parachutistes du 18e R.C.P., commandés par le colonel Ducournau, anéantirent, après un violent combat d'une dizaine d'heures, une bande de vingt-trois hommes vêtus d'uniformes et équipés d'armes de guerre. Des paysans devaient identifier, le lendemain, le cadavre du chef : un certain Grine Belkacem, qui défraya la chronique judiciaire du Constantinois dans les années 1950-1951.
L'automne tire à sa fin et le froid glisse déjà des sommets vers les vallées profondes du djebel.



L'insurrection n'a pas encore un mois. Jusqu'ici personne, hormis les paysans des douars éloignés, n'a encore vu ces fameux brigands organisés en unités militaires, dont on parle depuis un mois dans les cafés maures du pays. Il y a toujours eu, dans cette région, comme en Kabylie, du reste, ce que les Corses appellent des bandits d'honneur. Le plus célèbre d'entre tous, en Algérie, a nom Grine Belkacem. C'est un homme de trente ans, originaire de Kimmel, qui s'est signalé très tôt par une série de méfaits. Le 17 mars 1950, Grine tua son rival, originaire d'un douar voisin, puis il prit le maquis. Il assoit très vite sa répu­tation en détroussant quelques voyageurs et des paysans isolés, avec l'aide de coquins qui, comme lui, ont trouvé refuge dans la forêt. Il n'hésite pas à tirer, et sa connaissance du pays, la crainte qu'il inspire aux paysans lui permettent d'échapper aux gendarmes. L'homme ne manque pas de caractère. Le 2 décembre 1951, accompagné de quatre complices armés jusqu'aux dents il arrête un autobus bondé de voyageurs sur la route de Khenchela. Sous la menace de son mauser, il contraint le chauffeur à descendre et le fait agenouiller sur le bord de la route, devant les passagers du car terrorisés. « Je suis Grine le bandit, dit-il, je t'ai condamné à mort pour avoir conduit dans ton taxi des gendarmes chargés d'une enquête. » Et il appuie aussitôt le canon de son arme sur le front du malheureux, muet de peur. Un vieil homme s'élance alors. C'est le père du chauffeur, qui supplie Grine de laisser la vie sauve à son fils. « Grand seigneur », le bandit accepte mais contre une rançon de 100 000 francs payable sur l'heure. On fait la quête pour la lui payer. Grine empoche l'argent et disparaît dans les profondeurs de la forêt de Bouhmana. Sa photo et son signalement : taille 1,64 m, yeux bleus, cheveux noirs, sont dans tous les postes de gendarmerie de l'Aurès. Un million de francs de récompense est promis à qui le ramènera mort ou vif.

Grine « l'insaisissable » est signalé un peu partout. Entre deux attaques à main armée, il fait quelquefois irruption chez le vieux garde forestier qui l'a vu grandir et pris souvent en train de braconner. Mi-amical, mi-menaçant, il se fait servir le « kaoua », discute de choses et d'autres, puis repart comme il est venu.
En 1954, on lui attribue au moins quatre crimes et un nombre incalculable de délits. Cependant, ceux qui le rencontrent et le subissent, le garde forestier lui-même, ne manquent pas de signaler que le personnage a curieusement changé. Grine semble avoir subi une certaine intoxication. Lui, que la politique laissait indifférent, parle maintenant d'indépendance, de libération, dénonce sa haine des Français et prétend qu'il sera bientôt général, confirmant ainsi les informations graves qui sont parvenues à la commune mixte. Au début de l'automne, Grine a accru son prestige dans la région. On ne le voit plus guère la nuit, dans les mechtas de l'Aurès, qu'accompagné d'une vingtaine d'hommes recrutés parmi les plus mauvais garçons du pays. Rançons, menaces, exactions, pillages s'abattent sur les montagnards. Jusqu'au 29 novembre 1954. Ce matin-là, une patrouille de parachutistes débouche dans les gorges hostiles de l'oued R'Dam. Une concentration de rebelles, faisant mouvement vers le sud, a été signalée la veille au colonel Ducournau. Les paysans ont affirmé que les hors-la-loi étaient vêtus d'uniformes et dotés d'un puissant armement. Avant de déclencher une opération autour de Biskra, le colonel décide de donner un coup d'œil de sécurité dans le Nord. Le 1er bataillon du 18° R.C.P„ aux ordres du commandant Gral, reçoit pour mission de ratisser le djebel.
Il est 10 h 35. Soudain, l'aboiement bref d'un « mauser » retentit. Immédiatement suivi d'autres coups de feu qui déchirent, sous le ciel limpide, le silence séculaire de la montagne. La salve est meurtrière. Le sous-lieutenant Marquet, blessé à une épaule, s'effondre. Le caporal-chef Du­bourdieu, deux séjours en Indochine, trois enfants, s'élance à son secours. Il est tué d'une balle en pleine tête. Touché dans le dos, le parachutiste Collin tombe également.
Les paras, coincés dans les anfractuosités de l'oued, fixent le tir ennemi. Ils sont allongés dans l'eau glacée qui coule entre les rochers et se teinte rapidement du sang de leurs camarades tombés plus haut. Grine Belkacem et ses hommes ont trouvé refuge dans des grottes qui transforment les parois de la vallée en un énorme fromage de gruyère. Se croyant découverts, ils ont fait feu de toutes parts. La réaction des forces de l'ordre est vive. Sous la protection d'un tir d'artillerie, les deux autres compagnies entreprennent de dégager l'unité accrochée. Manoeuvre audacieuse et difficile qui voit les parachutistes descendre des crêtes vers les grottes à l'aide de cordes. Au pistolet mitrailleur, à la grenade, ils délogent un à un les rebelles de leurs invraisemblables cachettes. Armé d'un mauser, Grine tombe le dernier. Il est vêtu d'un uniforme américain et porte deux étoiles sur son épaule droite. La nuit est déjà là quand le massif retrouve son calme. Pas un hors-la-loi n'a pu s'échapper. On compte 23 cadavres, tous plus ou moins affublés de frusques militaires. à l'exception d'un seul, sur lequel les paras découvrent un billet de passage du Ville­d'Oran, en date du 6 novembre. On apprendra plus tard que cet homme, un ouvrier de la région parisienne, était connu pour ses idées nationalistes. Ses fonctions de commissaire politique auprès de Grine le bandit ne font aucun doute. Dans le repaire, les soldats découvrent des munitions de tout calibre, vestiges de l'Afrika Korps, des fusils de chasse, un paquet de tracts antifrançais et une série de lettres de menaces destinées à des notables de la région. Les paras se souviennent, après coup, que des « youyou » de femmes ont retenti à leur approche. Ils investissent les mechtas environnantes mais ils ne trouvent que des enfants et des vieilles apeurées. Tous les hommes ont fui dès les premiers coups de feu. Transporté à Arris, le cadavre de Grine Belkacem est iden­tifié par des membres de sa famille. Les autres corps ont été abandonnés sur le terrain. L'A.L.N. vient de subir la première défaite d'une guerre qui va durer plus de sept ans. Source:http://www.histoire-en-questions.fr/guerre algerie/

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